Après Jeff Deist
Nos derniers articles vous ont proposé une traduction en trois étapes d’un discours par le Président du Mises Institute qui nous a semblé doublement intéressant, tout d’abord pour éclairer la situation politique américaine au moment de l’élection du « POTUS », et ensuite pour tenter de discerner les analogies possibles avec ce qui se passe en France. L’objet de ce dernier texte est précisément de développer cette analogie pour ouvrir à de possibles perspectives de liberté.
La première partie du discours introduit le concept « d’imposeurs » contre opprimés (en anglais, imposers vs imposed upon). Les imposeurs sont tous ceux qui ont réussi à se faire passer pour des victimes alors qu’en réalité ils ont réussi à faire imposer aux « opprimés » des politiques qui leur sont favorables, retournant ainsi la fausse dualité victimaires qui leur sert d’argument. On aura reconnu les multiples courant de la gauche égalitariste, bien sûr.
Bien sûr, les Etats-Unis et la France ne sont pas identiques et les mouvances de la gauche y ont chacune leurs particularités. Mais on peut néanmoins trouver assez de similitudes pour que probablement tienne ici aussi la vision, le diagnostic posé par Jeff Deist quant à son paradoxe des Imposeurs contre les Opprimés.
Là où il y a de la haine…
Quelques pistes suffiront. Le post-modernisme des Democrats prend largement ses racines théoriques chez la gauche française issue de Mai 68. Notre presse comme la leur est dans son immense majorité d’un anti-capitalisme primaire caricatural ; elle se fait le porte-voix de l’appareil d’état et s’affiche pro-Biden au mépris du plus élémentaire principe d’objectivité informationnelle. La « haine » et ses supposées « victimes » ont pignon sur rue, personnifiées par Laeticia Avia et ses lois successives (qui sont autant d’échecs). Enfin, cette gauche pourtant tant supposée protéger les faibles et se mobiliser contre la discrimination reste parfaitement silencieuse depuis le début du confinement, comme si la crise phénoménale qui est en train d’en résulter faisait bien ses affaires.
Cris Terre
Ces quelques éléments nous convainquent que la France est hélas tout aussi gangrénée par les Imposeurs faussement opprimés que ceux d’outre-Atlantique venant de crier victoire lors du vote du 3 novembre. Peut-on prolonger l’analogie plus loin ?
La seconde partie du discours de Jeff Deist s’appuie sur des données qui ne nous sont pas disponibles pour la France, il est donc vain de chercher une analogie directe. Par contre, on peut observer que bien des critères listés pour illustrer les déchirements internes à l’Union sont autant de thèmes qui font régulièrement l’actualité chez nous aussi. Ce qui incite à confirmer qu’au moins en partie sa conclusion sur l’état de tension interne, voire la poudrière qu’il intuite, pourrait bien s’appliquer.
Religion, (dé)structure familiale, villes ou campagne, « blancs » ou autres, syndicats, tous ces thèmes remuent notre société chacun à son tour depuis une bonne trentaine d’années sinon plus. Il y en a d’autres bien sûr, comme l’immigration ou les grèves à répétition, qui auraient pu être dans la liste, malgré une manifestation assez différente entre les deux pays. Chacun, lentement, poussée par poussée, par « (im)pulsion » comme Deist le dit, a contribué à sortir du peu de droit naturel qui restait encore, à créer des opprimés nouveaux sur le prétexte d’oppressions inexistantes ou presque, et par suite à monter en neige une foule de dissensions selon des schémas probablement proches de ceux ayant eux cours aux Etats-Unis.
On a donc envie de conclure que selon toutes vraisemblances, le constat de fracture que fait l’intervenant a toutes chances de refléter en partie la réalité de la France. Certes, les deux pays sont géographiquement et administrativement fort différents, et cela joue tant sur la nature que sur les effets pouvant être anticipés de ces tensions. Et quand on arrive à sa conclusion d’une probable poussée vers un éclatement de l’Union, on pourrait être tenté de penser que, si cela peut peut-être s’envisager chez eux au niveau des 50 états, l’absence de cet échelon juridique chez nous rend tout scénario de sécession invraisemblable en France.
Séeession aussi ?
Pourtant, cela n’est pas forcément si clair, à bien y regarder. Bien sûr, le centralisme jacobin exacerbé veille bien à éliminer toute autonomie locale, on l’a vu récemment avec ces maires interdits d’aménagement de la fiscalité communale à la baisse. Il cherche à annihiler les velléités de régions au fort caractère, tels Bretagne, Corse ou Pays Basque. Pourtant, malgré qui voudra en sourire, il y a en Savoie un mouvement dynamique appelant à sa sortie de l’Hexagone, qui a manifestement résisté à l’Oppresseur. Dans les conditions actuelles, ce genre d’initiatives ne peut qu’interpeller en bien.
Mais le centralisme n’a pas réussi à tout uniformiser, bien au contraire. Tout le monde saura prendre l’exemple du fameux « neuf trois » du nord parisien comme le symbole de ces zones de plus en plus nombreuses où « la main de l’état ne met plus l’épée », pour marquer par un clin d’œil le ridicule de cette vaine arrogance jacobine. Clairement, si Macron s’inquiète de séparatisme, c’est bien que la réalité du terrain donne des signes de proches scissions.
Si on revient plus près de la thèse de Jeff Deist, les deux confinements ont poussé beaucoup de citadins vers les campagnes, et il se pourrait bien que cela donne des idées à beaucoup d’entre eux d’y rester. On verrait alors une de ces transhumances qu’évoque Deist se produire de la même façon. Il faut savoir d’ailleurs que nombreux villages ou hameaux quasi abandonnés sont recherchés par tout une foule de bobos lassés de la ville auxquels il semble que la misère serait moins pénible à Solaize.
Enfin, un autre aspect nous distingue nettement des Amériques, qui pourrait bien en fait accélérer le processus chez nous malgré les verrous posés partout par le pouvoir central. La succession de deux confinements et la crise en résultant commencent déjà à donner les signes de son objectif probable, à savoir la destruction du tissu économique des indépendants et toutes petites entreprises, pour les forcer à entrer dans le rang du salariat d’inspiration marxiste. C’est la version locale de ce Great Reset que les monstres de collusion étatique tels que le World Economic Forum osent évoquer.
Gangue Jacobine
Sauf que cette tentative de mise sur les rails du goulag de l’ensemble de ces forces vives va probablement provoquer, ou du moins bien accélérer, la chute du système, qui jusqu’ici ne tient que par ces entrepreneurs et par le pompage que font les grandes entreprises pour ramener de la valeur du reste du monde – voir cet autre article. À partir de là, on peut imaginer que ces populations, résistantes au salariat justement, chercheront au moins en partie à rejoindre ou à créer des initiatives de sortie.
Ainsi, malgré les fortes différences entre nos deux pays, et c’est ce qui nous a motivé à publier ce discours, on voit se dégager deux situations finalement proches sur le fond – et encore, cet article ne peut se permettre qu’un survol sommaire. Deux situations qui donnent toutes deux les signes de fortes poussées décentralisatrices, pour reprendre la conclusion de Deist, poussées de sécession, qui est désormais un mot qui revient partout dans les analyses libertariennes.
Hier encore ceux qui parlaient de sécession étaient pris pour de doux rêveurs, on leur préférait la voie des urnes et l’espoir libéral était dans la réforme de l’état. Désormais les tas de réformes ont montré leur limites, l’analyse de la démocratie par Hoppe affiche toute sa pertinence et il va désormais s’agir pour la liberté de se préparer à sortir de la gangue du jacobinisme socialo-étatiste.
Mises Institute France