Le profit entrepreneurial découle de bonnes décisions, pas de l’exploitation
Au sein de l’ordre social, caractérisé par la division du travail et de la propriété privée des moyens de production, il existe des exemples d’actions humaines – comportements intentionnels – dont les origines consistent en nos choix et motivations pour atteindre nos buts. En vocabulaire entrepreneurial, cela implique de surpasser les autres participants dans ses services aux consommateurs. L’homme agissant, dans son habit d’entrepreneur, fait tout son possible pour élargir le champ des opportunités attrayantes accessibles aux consommateurs sur le marché, bien plus que ses concurrents. Cela pourrait se matérialiser par des produits sortant du lot via leur meilleure qualité, des prix plus bas, ou une combinaison des deux.
On y trouve une disposition comportementale à se dépasser, concrétisée par celles de certains acteurs du marché, à savoir, une vigilance entrepreneuriale continue envers les facteurs sous-évalués sur le marché et la recherche constante des combinaisons et allocations les plus efficientes de diverses ressources limitées. De plus, vigilance et réactivité aux prix faibles se combinent dans le meilleur service pour répondre aux besoins des consommateurs. Ceci se couple avec les inégalités des capacités innées dans les diverses compétences humaines, incluant prévoyance et perspicacité, et les place bien souvent dans des situations uniques de découverte lucrative. Cela se traduit in fine par des différentiels de performance et de résultat potentiels sur le marché. En d’autres termes, la cause du succès de l’entrepreneuriat tient à une meilleure réactivité à la structure vite changeante du marché, l’adoption des moyens les plus économiquement mobilisables, et la transmission d’opportunités plus attrayantes aux consommateurs.
De plus, il existe certains entrepreneurs, formellement identifiés comme producteurs “supramarginaux”. Ceux-ci bénéficient actuellement de plus hauts revenus parce qu’ils produisent au coût marginal le moindre par rapport au prix. Ils sont distingués de l’autre classe d’entrepreneurs – les producteurs marginaux – au sein des mêmes lignes de production, fabriquant à un coût marginal plus haut, et qui subissent des pertes à la moindre baisse des prix, impliquant l’efficacité et la pertinence des décisions des premiers dans les lignes de production données.
Le profit entrepreneurial, signal du succès des actions passées
Comme tout produit et service offert sur le marché est évalué par les consommateurs selon le degré de satisfaction attendu qui en découlera, les consommateurs viendraient à préférer les produits venant de certains entrepreneurs à ceux venant d’autres. Ces préférences sont manifestées par leurs achats et abstentions d’achat. Les effets socio-économiques de ces relations sociales deviennent les revenus, et les accroissements de richesse en découlant, des entrepreneurs qui sont responsables de la création de ces biens appréciés. Comme Mises l’écrit dans l’Action Humaine : “On ne trouve dans le système social de la société de marché aucun autre moyen d’acquérir de la richesse et de la préserver que par le service fructueux des consommateurs.”
Les fondations théoriques de l’anti-entreprenariat
La théorie marxiste de l’exploitation tente d’expliquer les profits et la soi-disant “valeur ajoutée” accumulée par les entrepreneurs capitalistes comme résultat de l’exploitation et de l’expropriation du travail. Basant l’élaboration de cette théorie sur la théorie erronée de la valeur-travail avancée par les économistes classiques, ils se lancèrent à faire diverses déductions sur la valeur ajoutée, arrivant ainsi à la conclusion trompeuse que le profit est le pillage des travailleurs.
La théorie de l’exploitation contribue énormément à l’opprobre attaché au profit entrepreneurial. À tenter d’expliquer l’émergence de la valeur ajoutée, les auteurs socialistes comme Johann Karl Rodbertus et Karl Marx assimilèrent le contrat salarié à l’esclavage, transférant de ce fait au premier les connotations associées à ce dernier. Ainsi, selon Rodbertus, comme cité par Böhm-Bawerk dans Capital et Intérêt : “… le contrat n’est que d’apparence et non pas réellement libre, et la faim est un bon substitut au fouet. Ce qu’on appelait nourriture jadis s’appelle désormais salaire.”
Au contraire de la théorie de l’exploitation, la rémunération du travail (taux de salaire) est fixée selon sa valeur marginale de productivité actualisée, c-à-d la contribution du travail au produit final. En outre, chaque échange interpersonnel au sein du système de marché est basé sur des agréments contractuels pris volontairement dans lesquels les termes du contrat sont énoncés à l’avance. Tant que le marché – le mécanisme de coopération sociale – reste sans entraves, il y a toujours une réciprocité des avantages entre les parties du contrat. Qu’un travailleur vienne à échanger son travail à un taux de salaire donné signifie qu’il préfère la satisfaction à atteindre par le produit de son effort à celles à venir des alternatives concurrentes, comme le temps libre ou tout autre emploi de son temps.
L’opinion publique sur le profit, façonnée par le marxisme
Il est bien malheureux que la théorie de l’exploitation, telle que popularisée par les auteurs marxistes, a obtenu l’acceptation générale chez les masses grâce à son attrait émotionnel. L’homme ordinaire, et le plus gros des politiciens dépendant de l’opinion publique, sont incapables de se faire une idée complète du sujet. Cela est dû à un manque de disposition cognitive à suivre une suite cohérente de raisonnements. Selon eux, le profit entrepreneurial est exploitation et pillage, et donc, l’appareil social coercitif doit être lancé pour corriger cette “injustice capitaliste”.
Une des conséquences sociales de cette ligne de pensée est que, à l’heure actuelle, on voit la force de l’opinion publique dirigée contre “les grandes entreprises” et les riches entrepreneurs qui ont gagné leur fortune en faisant mieux que leurs concurrents pour servir les consommateurs. Et, comme chaque politique est imprégnée de théorie, la théorie de l’exploitation est devenue la base des politiques visant à redistribuer la richesse et des buts égalitaires. Ceci est particulièrement vrai pour les soi-disant politiques économiques socialistes de la gauche dont l’arme de prédilection est dans les taxes progressives levées contre les profits d’entreprises et le revenu entrepreneurial.
Bien sûr, les interventions étatiques de tout ordre ne sont pas sans conséquences qui, jugées du point de vue de leurs initiateurs, sont considérées insatisfaisantes. Les politiques visant l’expropriation des entrepreneurs et producteurs doivent inévitablement produire des résultats opposés. Comme Hans-Hermann Hoppe écrit brièvement dans son livre Une théorie du Socialisme et du Capitalisme (A Theory of Socialism and Capitalism) :
“En confisquant une partie du revenu de la production, aussi petite soit-elle, au propriétaire-producteur, et en la donnant aux gens qui n’ont pas produit le revenu en question, les coûts de production (qui ne sont jamais nuls, car produire, s’approprier, contracter implique toujours au moins l’usage du temps, lequel pourrait être utilisé autrement, pour des loisirs, de la consommation, ou du travail en sous-main, par exemple) montent, et, mutatis mutandis, les coûts de non-production et/ou de production en sous-main chutent, fût-ce à peine.”
Texte original sur le Mises Institute, ici.
Traduction de Stéphane Geyres et Camille Ramos.