L’année 2022 verra-t-elle l’effondrement de l’euro ?

Extrait de "Gold and Silver Prospects for 2022" chez Goldmoney.com.

Comme la Fed (NdT : la Banque centrale Américaine), la BCE (NdT : Banque Centrale Européenne) résiste aux hausses des taux d’intérêt malgré la flambée des prix à la production et à la consommation. L’inflation des prix à la consommation dans la zone euro a récemment atteint 4,9 %, faisant que le rendement réel de l’obligation allemande à cinq ans est inférieur à 5,5 %. Mais les prix à la production en Allemagne ont augmenté de 19,2 % en octobre par rapport à l’année dernière. Il ne fait aucun doute que les prix à la production ne se sont pas encore totalement répercutés sur les prix à la consommation, et que la hausse des prix à la consommation a encore beaucoup de chemin à faire, reflétant l’accélération de la dépréciation de la monnaie par la BCE ces dernières années.1.

Par conséquent, en termes réels, non seulement les taux négatifs augmentent déjà, mais ils iront encore plus loin en territoire négatif record en raison de la hausse des prix à la production et à la consommation. À moins qu’elle n’abandonne purement et simplement l’euro à son sort sur les marchés des changes, la BCE sera contrainte d’autoriser une hausse de son taux de dépôt, actuellement de -0,5 %, pour compenser la dépréciation de l’euro. Et vu l’ampleur de l’expansion monétaire récente, les taux d’intérêt de l’euro devront augmenter considérablement pour avoir un effet stabilisateur.

L’euro partage ce problème avec le dollar. Mais même si les taux d’intérêt n’augmentaient que légèrement, la BCE devrait accélérer le rythme de sa création monétaire pour maintenir à flot les Etats très endettés des pays membres de la zone euro. Les bourses de change ne manqueront pas de reconnaître l’évolution de la situation, punissant l’euro si la BCE ne relève pas ses taux et le punissant si elle le fait. La chute de l’euro ne se limitera pas aux taux de change par rapport aux autres monnaies, qui sont à des degrés divers confrontées à des dilemmes similaires, mais elle sera particulièrement aiguë si on la mesure par rapport aux prix des matières premières et des produits essentiels. On peut dire que la dérive de l’euro sur les marchés étrangers a déjà commencé.

Mais il existe un autre facteur qui n’est généralement pas évalué, à savoir la taille du marché des pensions en euros et le danger que représente pour lui la hausse des taux d’intérêt. La demande de garanties contre lesquelles obtenir des liquidités a conduit à une expansion monétaire significative, le marché des pensions agissant non pas comme un outil marginal de gestion des liquidités comme c’est le cas dans d’autres systèmes bancaires, mais comme une source de crédit qui s’accumule. Cette situation est illustrée par le graphique 4, qui provient d’une enquête de l’ICMA (NdT : International Capital Market Association) auprès de 58 grandes institutions du système euro.2.

Graphique 4

Le total de cette forme de financement à court terme est passé à 8,31 milliard de milliards (trillions) d’euros de contrats en cours en décembre 2019. Les garanties comprennent tout, des obligations et bons d’État à la dette préemballée des banques commerciales. Selon l’enquête de l’ICMA, le double comptage, par lequel les mises en pension sont compensées par des prises en pension, est minime. Ceci est important si l’on considère qu’une prise en pension est l’autre côté d’une prise en pension, de sorte que, les prises en pension s’ajoutant aux prises en pension enregistrées, la somme des deux est une mesure valable de la taille du marché des prises en pension. La valeur des pensions conclues avec les banques centrales dans le cadre des opérations officielles de politique monétaire n’a pas été incluse dans l’enquête et continue d’être « très importante ». Mais les pensions avec les banques centrales dans le cadre du financement ordinaire sont incluses.3.

Aujourd’hui, même si l’on exclut les pensions de la banque centrale liées aux opérations de politique monétaire, il est presque certain que ce chiffre dépasse largement les 10.000 milliards d’euros, étant donné l’accélération de l’expansion monétaire depuis l’enquête de l’ICMA, et si l’on tient compte des participants au-delà des 58 courtiers recensés. Un élément important de ce marché est le taux d’intérêt, qui, avec le taux de dépôt de la BCE fixé à moins 0,5 %, signifie que les banques peuvent obtenir des liquidités de la zone euro sans frais.

Le coût nul des liquidités repo soulève la question des conséquences si le taux de dépôt de la BCE est ramené en territoire positif. Le marché de la pension livrée se contractera probablement, ce qui équivaut à une diminution de l’encours du crédit bancaire. Les banques seraient alors contraintes de liquider les actifs de leur bilan, ce qui ferait passer tous les rendements obligataires négatifs en territoire positif, voire plus, accélérant encore la contraction du crédit bancaire à mesure que la valeur des garanties s’effondre. De plus, la contraction du crédit bancaire impliquée par le retrait du financement par mise en pension aura presque certainement pour effet de déclencher rapidement une crise de liquidité dans une cohorte de banques dont l’endettement au bilan est exceptionnellement élevé.

Il y a un autre problème à prendre en compte, celui de la qualité des garanties. Alors que la Fed américaine n’accepte que des titres de très haute qualité comme garantie des pensions, les banques nationales de la zone euro et la BCE acceptent presque tout – il a fallu le faire lorsque la Grèce et les autres PIGS (NdT : Portugal, Italie, Grèce, eSpagne) furent renfloués. Et les renflouements cachés des banques italiennes en regroupant des prêts douteux en garantie de pensions de titres étaient la façon dont ils ont été retirés des bilans des banques nationales et cachés dans le système TARGET2.

Le résultat est que les premières pensions qui ne sont pas renouvelées par les contreparties commerciales sont celles dont la garantie est mauvaise ou douteuse. Nous n’avons pas connaissance du montant en jeu. Mais étant donné que les régulateurs nationaux des PIGS ont été incités à considérer les prêts non performants comme solvables afin qu’ils puissent servir de garantie pour les pensions, les montants seront considérables. Ayant accepté ces mauvaises garanties, les banques centrales nationales ne pourront pas les rejeter de peur de déclencher une crise bancaire dans leurs propres juridictions. En outre, elles seront probablement obligées d’accepter des garanties supplémentaires pour les pensions si elles sont rejetées par les contreparties commerciales et si l’on veut éviter les faillites bancaires.

Les chiffres en jeu sont supérieurs aux bilans combinés de la BCE et des banques centrales nationales.

La crise provoquée par la hausse des taux d’intérêt dans la zone euro sera différente de celle à laquelle sont confrontés les marchés du dollar américain. Avec les banques d’importance systémique mondiale (G-SIB – Global Systemic Importance Banks) de la zone euro dont le ratio actifs/fonds propres est jusqu’à trente fois supérieur, une hausse des taux d’intérêt obligataires d’à peine quelques pour cent risque de faire s’effondrer l’ensemble du système de la zone euro, propageant le risque systémique au Japon, où les G-SIB ont un ratio similaire, au Royaume-Uni et à la Suisse, puis aux États-Unis et à la Chine, dont les systèmes bancaires sont les moins bien gérés sur le plan opérationnel.

Il faudra que les principales banques centrales organisent le plus grand sauvetage de système bancaire jamais vu, éclipsant la crise de Lehman. L’expansion nécessaire de la monnaie et du crédit par le réseau des banques centrales est inimaginable et vient s’ajouter à l’expansion monétaire massive de ces deux dernières années.

L’effondrement du pouvoir d’achat de l’ensemble du système de monnaie fiduciaire est donc en perspective, ainsi que les valeurs de tout ce qui en dépend.

Alasdair Macleod

  1. Le bilan de l’Eurosystème, c’est-à-dire celui de la BCE plus ceux des banques centrales nationales, est passé de 4.500 milliards d’euros en décembre 2019 à 8.500 milliards d’euros aujourd’hui.
  2. Étude de l’ICMA sur le marché européen des pensions, n° 38.
  3. Le bilan combiné des banques centrales de l’Eurosystème fait apparaître des « Titres détenus à des fins de politique monétaire » d’un montant total de 3.694 milliards d’euros et des « Engagements envers les établissements de crédit de la zone euro liés aux opérations de politique monétaire… » d’un montant total de 3.489 milliards d’euros à fin 2020. Les opérations de mise en pension et de prise en pension sont incluses dans ces chiffres, et représentent, du côté du passif, une augmentation de 93 % par rapport à 2019. C’est la preuve de l’escalade du soutien de la liquidité pour les banques commerciales, dont une grande partie passe par les marchés repo, preuve que les repo en cours sont considérablement plus élevés qu’au moment de l’enquête de l’ICMA référencée ci-dessus.

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