Il ne suffit pas de s’opposer à l’État…

Mercantilisme

(Une fois dieu mis à son poste…) Ce n’était pas uniquement dans les styles et les revendications de la classe dirigeante que se communiquait le pouvoir croissant de ceux qui gouvernaient à cette époque et que l’absolutisme se manifestait ; il se manifestait de bien des façons.

Le mercantilisme étant un aspect particulièrement important, et le mercantilisme n’était en fait que la manifestation politique de l’absolutisme. Parce qu’il y avait ce nouveau système où l’État pouvait prendre des biens quand il le voulait et les distribuer à d’autres endroits, ce qui a naturellement conduit au système mercantiliste.

Rothbard le décrit ainsi :

« Le mercantilisme qui atteint son apogée en Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles, était un système d’étatisme, qui utilisait la tromperie économique pour construire une structure de pouvoir étatique impérial, ainsi que des subventions spéciales et des privilèges monopolistiques pour les individus ou les groupes favorisés par l’État. »

C’est un produit naturel du fait d’avoir un État. Lorsqu’il n’y a pas de véritables protections de la propriété, l’État va simplement la déplacer de manière à aider à construire l’État lui-même.

Le libéralisme

C’est là que les libéraux interviennent. De bien des manières, le libéralisme est une réaction contre la montée de l’État et de l’absolutisme.

Rothbard écrit que les Levelers du XVIIe siècle ont probablement été le premier mouvement libertarien conscient et véritable. Ils s’opposaient explicitement à la fois au système mercantiliste de faveurs et au pouvoir absolu du monarque. Ils expliquaient l’appauvrissement imposé aux gens ordinaires par les restrictions commerciales ; ils préconisaient la décentralisation des forces armées en milices.

Aux Amériques, les anti-fédéralistes perpétuèrent cette tradition dans une plus large mesure encore ; ils nourrirent souvent une profonde méfiance à l’égard du pouvoir centralisé et s’opposèrent à l’idée même de souveraineté fédérale dans bien des cas. En pratique, même les législatures des États américains n’avaient de souveraineté, surtout les moyens de coercition étaient alors si diffus et entre beaucoup de mains, tout comme chez les milices locales, en plus des milices législatives des États. La décentralisation était bien sûr un enjeu majeur, ici.

Ainsi au XIXe siècle, le libéralisme gagna du terrain en France, en Angleterre et en Italie, ce qui mit des obstacles sur le chemin de l’État, et des efforts pour réduire les abus et décentraliser davantage le pouvoir. Les jacksoniens et les démocrates de Cleaveland en Amérique poursuivirent cette tradition jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Pourtant, dans de nombreux cas, cela n’a pas permis d’aborder les deux aspects les plus dangereux de la souveraineté de l’État et du polylogisme moral.

Gustave de Molinari

Pour autant, il y eut certains penseurs qui demandaient d’en venir à zéro quant à la question l’État lui-même, tel Gustave de Molinari par exemple. Il avait une opposition systématique dans sa pensée envers l’idée même de la souveraineté de l’État. Spécifiquement, il s’opposa explicitement à l’idée même de la souveraineté, jusqu’au point de s’opposer à un monopole de la puissance militaire et des services de sécurité.

Mais la base de l’opposition de Molinari au monopole était son rejet de l’idée que l’État puisse appliquer sa propre version de la moralité. Il écrit :

« Il répugne à la raison de croire qu’une loi naturelle bien démontrée comporte aucune exception. Une loi naturelle est partout et toujours, ou elle n’est pas. »

De même que la loi naturelle, c’est-à-dire les lois morales de base, édictait que les gens étaient libres de choisir un fournisseur de chaussures ou de nourriture, il en allait de même pour les services de sécurité. Cette position aurait semblé tout à fait raisonnable à beaucoup d’Européens d’avant l’État ; aujourd’hui cependant beaucoup la considèrent comme farfelue.

Malheureusement, peu de libéraux depuis Molinari vont aussi loin. Quelques rothbardiens vont bien sûr aussi loin, mais la plupart des libéraux considèrent l’État comme un fait acquis. Même les théoriciens apparemment les plus radicaux passent à côté des problèmes clés que sont la souveraineté de l’État et l’exceptionnalisme moral, ou ne veulent tout simplement pas s’y attaquer.

Alors que faire ?

Si l’on accepte l’idée que l’État n’existe pas sur son propre plan moral, ou que l’État devrait être souverain en dernier ressort au-dessus de tous les autres défis possibles, quelle est la bonne marche à suivre ?

La première étape est d’arrêter de croire à l’arnaque et (de réaliser que) c’est une escroquerie. Si l’État s’appuie sur la perpétuation de l’idée que l’État est nécessaire, il nous faut a minima cesser de croire en cette idée nous-mêmes.

Mais le plus important est de rejeter l’idée que l’État puisse fonctionner sur son propre plan moral. On entend cela tout le temps de la part des partisans du régime, bien sûr : « on ne devrait pas trop se plaindre », dit-on, parce que « les politiciens prennent les décisions difficiles ». Et on ne peut pas mettre les acteurs de l’État au même niveau que les simples gens ordinaires, dont la seule fonction devrait apparemment être de payer toutes les factures. C’est là une pensée empoisonnée qui doit être traitée avec le mépris qu’elle mérite.

De plus, on pourrait combattre les mythes historiques qui soutiennent l’État, comme le narratif du régime selon lequel l’État serait une force progressiste pour l’humanité et les droits de l’homme. L’État a largement réussi à écrire sa propre histoire, où il est à la fois inévitable et hautement bénéfique. Les deux doivent être rejetés.

La deuxième étape est de soutenir la sécession et la décentralisation radicale partout où on peut la trouver. Il est très difficile pour les gens de se faire à l’idée de souverainetés concurrentes, c’est un obstacle pour les gagner à la cause de la lutte contre la souveraineté de l’État. Mais il y a une chose que les gens comprennent : c’est le droit à l’autodétermination, à l’autonomie gouvernementale et à l’autonomie locale. Ils ne veulent pas être dirigés par une force culturellement étrangère imposant la volonté de la majorité depuis un endroit éloigné.

Sécession & Décentralisation

La réponse à ce problème réside bien sûr dans la sécession et à rendre les pouvoirs de gouvernement plus polycentriques, plus dispersés, plus décentralisés. Ceci en soi rapproche du modèle pré-étatique, même sans exiger une attaque directe contre l’idée de souveraineté.

De plus, la sécession agit de facto comme une attaque indirecte contre la souveraineté de deux façons. Tout d’abord, parce qu’un régime qui ne parvient pas à imposer l’unité perpétuelle à ses sujets est en fait un régime affaibli. Et ensuite, parce que la sécession crée des États plus petits, et que la sécession pousse à des États plus petits moins à même d’exercer leur souveraineté. La petitesse de l’État et la relative facilité avec laquelle les gens peuvent le quitter limitent la capacité de l’État à lever des impôts et à imposer des réglementations, et à oppresser la population en général.

Enfin, mais peut-être le plus important, parce que c’est la bonne chose à faire en toutes circonstances, c’est de construire des institutions non-étatiques. Quelles sont ces institutions ? Celles qui précédaient l’État : la famille, l’Église, le marché, même les gouvernements locaux dans certains cas.

Comme van Creveld l’a expliqué, la montée de l’État nécessita son triomphe sur toutes ces institutions. Ce fut le déclin de ces institutions, encouragé par l’État lui-même, qui ouvrit la voie à la domination de la société par l’État dans tant de cas. Et il est facile de comprendre pourquoi. La société s’organise naturellement autour des affinités, autour des groupes religieux, autour de liens économiques, d’associations professionnelles, des villes et même des quartiers.

Le travail de l’État pendant des siècles aura été de détruire et d’appauvrir ces institutions naturelles, en les remplaçant par l’artifice de l’État, en prétendant tout le temps que l’État peut mieux fournir ce que ces institutions fournissaient autrefois, mais tout en créant une société plus fragile.

Le projet de l’État et de ses intellectuels a été d’écraser en particulier les familles, les Églises et les allégeances locales, parce que ces groupes furent fondamentaux à la création d’institutions parallèles qui rivalisèrent avec l’État pour la loyauté et les ressources.

S’organiser naturellement

En fin de compte, il ne suffit pas de s’opposer à l’État et de s’arrêter là, car la société doit s’organiser autour de quelque sorte d’institution, et ce devrait être des institutions autres que l’État. Si ces institutions alternatives n’existent pas, les gens devront simplement se tourner vers l’État ; et l’État ne fera que se renforcer.

Plus important, ces autres institutions, tel le marché et la société privée, n’auront rien à voir avec l’État. Elles ne sont pas au-dessus de la moralité, elles ne sont pas souveraines et n’énoncent pas des édits immuables auxquels nous autres devons obéir.

En fait, ces institutions non-étatiques aident à illustrer à quel point l’État est différent et dangereux. C’est une leçon que nous ne devons pas oublier.

Ryan McMaken

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