Suite de l’interview de Stéphane Geyres, Président de l’Institut Mises France.
Menée par Elie Blanc, diplômé de l’EDHEC, rédacteur passionné par l’EAE.
L’école autrichienne d’économie, ou EAE, reste fort mal connue, alors même que ses premiers écrits ont déjà plus de 150 ans et qu’elle est celle qui rend le mieux compte des phénomènes économiques réels. Ce paradoxe vient en partie de sa démarche d’analyse et beaucoup de ses résultats, qui vont à l’encontre des croyances de notre époque et heurtent bien des convictions. Pour la faire connaître, nous avons entrepris cet échange visant à répondre et éclairer certaines questions que l’on rencontre le plus souvent à son sujet. Selon l’intérêt de ce texte et les nouvelles questions qui se poseront, une suite pourra voir le jour.
Bonne lecture à Tous.
Quel lien faire entre la méthodologie en sciences économiques et en sociologie ?
StG : Les deux sont des sciences humaines, puisque leurs objets communs d’étude sont les hommes. Les deux étudient les comportements humains. La science économique, du moins dans sa version autrichienne, étudie plus précisément l’action humaine, selon la démarche de la praxéologie – l’étude de la pratique. On pourrait donc s’attendre à ce que ces deux sciences poussent plus loin encore les similitudes, mais hélas c’est tout le contraire qui est vrai. Tout dans leurs démarches méthodologiques les séparent, ce qui fait que là où les résultats de l’une sont toujours solides, la sociologie par contre n’a guère de consistance. Hoppe va, dans son livre “ESAM”, jusqu’à poser que les sciences humaines ne peuvent se dire sciences qu’à partir du moment où elles adoptent la praxéologie comme méthodologie. Pour être plus concret, pour les Autrichiens, et en cohérence avec un Max Weber, l’étude sociologique ne peut que partir de celle de l’action de chaque individu, car seul l’individu agit et prend les décisions qui font sa vie et ses comportements. Les groupes et autres collectifs ne sont que des ensembles d’individus, chacun agissant, sans plus de réalité décisionnelle.
On parle d’individualisme méthodologique. En sociologie, les débats tenus entre Bourdieu et Boudon peuvent venir illustrer. Bourdieu, tenant de la méthode statistique et de la théorie de la socialisation, dit constater une surreprésentation statistique d’étudiants issus de milieux favorisés dans les Grandes Écoles françaises. Il l’explique par la socialisation différenciante des milieux favorisés : l’enfant y serait éduqué dès le plus jeune âge pour acquérir la “culture légitime”, conditionnant ainsi l’accès aux Grandes Écoles. Une thèse sociale (la socialisation durant l’enfance) expliquerait une observation statistique (la réussite scolaire). Mais Boudon, un adepte de l’individualisme méthodologique, explique cette répartition statistique par des stratégies individuelles différentes. Le coût d’opportunité des études (renoncer à l’alternative d’un revenu plus tôt dans sa vie, préférer investir temps et argent dans de longues études) serait supérieur dans les milieux moins favorisés pouvant moins financer cet investissement. Les écarts à l’échelle du groupe s’expliquent par des différences de stratégies individuelles.
En quoi l’individualisme méthodologique permet-il condamner l’utilisation de statistiques en sciences sociales ?
StG : On pourra être plus technique si besoin, mais l’idée générale est la suivante. Si l’on pose, parce que c’est conforme à notre réalité, que seul l’individu agit et décide et que dès lors, tout raisonnement doit partir de l’individu, on réalise vite que la démarche statistique fait exactement l’inverse. Elle considère quelque groupe de personnes indifférenciées, dont elle suppose les comportements “suffisamment” homogènes ou similaires, et prétend tirer des conclusions des seules corrélations vaguement observées sur ses courbes. Or corrélation ne fait pas raison. Une corrélation ne permet ni de conclure pour ceux qui ne sont pas dans son champ, ni même pour les “corrélés” car on ne peut rien en tirer sous l’angle téléologique – celui de l’intention individuelle. Les sciences sociales statistiques prétendent énoncer des lois ou du moins des tendances sans pouvoir pourtant apporter le moindre raisonnement en causalité faisant le lien systématique entre l’intérêt individuel et la situation sociale étudiée.
On entend par exemple souvent comparer le salaire des femmes à celui d’hommes à postes et compétences supposés proches, pour observer un écart et en déduire à une injustice. Le statisticien a fait son travail, il a pris de larges échantillons de données, mis de la rigueur et tracé une courbe incontestable en soi. Pourtant, tout cela fut inutile. Car une question simple suffit pour voir la faiblesse de l’approche : Si la femme a le même potentiel que l’homme, qui est assez sot pour embaucher l’homme, qui coûte plus cher pour le même bénéfice espéré ? (Je tiens à clarifier que je ne dis pas que cette question suffit à expliquer l’écart salarial entre homme et femme, mais uniquement que ce type de questions réduit à néant la statistique.)
Le néo-féminisme et l’antiracisme appuient par exemple leur argumentaire sur des recherches sociologiques, où les comportements semblent largement déterminés par le processus de socialisation. Quel regard portez-vous sur de telles affirmations ?
StG : L’homme, l’individu est complexe, et tant mieux. Imaginer que seul, ou même surtout, un “processus de socialisation”, concept posé au-dessus de l’individu alors que c’est chacun qui s’y engage et le poursuit, pourrait déterminer nos comportements me semble fort simple et même simpliste. Pour revenir à la question précédente, se pose selon moi tout d’abord la question de la justification scientifique d’une telle affirmation ou conception. Cela semble très bancal et arbitraire, pour rester neutre. Et d’ailleurs cela rejoint une autre question encore, celle sur la scientificité : comment cette époque peut-elle à ce point ne pas veiller au caractère scientifique des “sciences”, au point de finir par laisser dire de parfaites horreurs sous le seul sceau affiché mais factice d’une science qui serait humaine, mais sans parler des vrais hommes ? Quand on traite de l’humanité, la première des exigences devrait être le plus grand des sérieux, la plus grande des rigueurs. C’est d’ailleurs bien pour cette raison que j’ai adopté et développé ma compréhension de l’école autrichienne : pour son sérieux.
Pourriez-vous expliciter le caractère simpliste de la théorie posant que la socialisation déterminerait les comportements humains ? Rejetez-vous cette idée de déterminisme social, ou en nuancez-vous simplement la portée ?
StG : Peut-être faut-il commencer par préciser ce qu’on entend par déterminisme. Il ne s’agit pas de “fatalisme” – un destin nous serait tracé face auquel nous ne serions que des pantins – mais plutôt de la question de la machine humaine : si l’homme est une machine biologique, codée pour réagir à des influences et stimuli, quelle est alors notre liberté réelle ? Je rejette en effet la vision étroite d’un tel déterminisme, même si je ne nie pas les influences. On ne peut tout simplement pas à la fois prétendre à un déterminisme et le nier par le simple fait de librement raisonner à son sujet. Car il faut admettre un esprit libre pour émettre un avis qui ait une valeur quelconque. Un avis sur une machine qui viendrait de la machine elle-même ne nous apprendrait rien d’utile.
C’est le même argument que dire que la liberté d’expression suppose le risque de s’exposer à une opinion divergente. Toute théorie déterministe se voit contradictoire par ce fait même. Pour pouvoir parler d’une théorie ou idée, il faut disposer de sa liberté d’en formuler les termes, ce qui ouvre donc toute grande la brèche du libre arbitre, base de la Liberté. Ce paradoxe apparent se retrouve par exemple en mathématiques avec le théorème de Gödel qui exprime que le sens, le signifié, dépasse en complexité la capacité du signifiant à le décrire. Par exemple, si je déclare “je dis un mensonge”, tout le monde le comprendra, et pourtant aucune machine ne pourra jamais décider si cela est vrai ou faux.
Il y a donc un champ de pensée dont la complexité va au-delà de ses mécanismes compris. Je précise que peu m’importe la question métaphysique, qui demeure une conjecture, seule compte la réalité sociale du libre arbitre, celle constatée lors de nos interactions. Pour ce qui est du déterminisme par la socialisation, il suffit je crois de prendre la foule des gens qui n’ont pas suivi une vie ou carrière “déterminée” comme exemples en démontrant la vacuité.
L’entrepreneur est probablement le grand oublié de la science économique actuelle. Quel regard porte l’EAE sur celui-ci ?
StG : S’il n’est pas au centre des concepts premiers et des lois fondamentales de l’école, l’entrepreneur est néanmoins bien présent chez l’école autrichienne. En termes simples, l’entrepreneur est celui qui prend le risque d’oser une offre : si son intuition est bonne, ses profits seront à hauteur des services ainsi rendus à ses clients ; sinon, ses pertes viendront sanctionner son erreur ou son incompétence. Pour aller un peu plus loin, je propose une citation d’un des auteurs de l’école qui a le plus étudié la “fonction entrepreneuriale”, à savoir Jesús Huerta De Soto : “Si l’exercice de la fonction entrepreneuriale ne s’effectue pas librement dans une économie de marché… [c’est-à-dire une économie] sans entrepreneur, il n’y a pas de calcul économique possible. Sans fonction entrepreneuriale, l’existence de la vie en société n’est pas même concevable.” Le lien avec le calcul économique vient bien de l’offre : si une offre trouve ses clients et son prix, c’est que l’entrepreneur avait eu raison de la mettre sur le marché, ou de venir faire concurrence à d’autres ; et inversement s’il y échoue.
Les enseignements de l’EAE peuvent-ils l’aider dans la gestion de son entreprise ?
StG : Oui, et cela de diverses façons. Deux exemples. Un entrepreneur qui comprend que les prix étant faits par le marché, ce sont eux qui déterminent les coûts (et non l’inverse) présente une meilleure posture pour bien aborder son marché que celui qui pense encore que prix = marge + coûts. Un autre aspect consiste à réaliser que l’entreprise a intérêt à réduire sa dépendance envers l’état, car l’état est l’imprévisible et l’arbitraire absolu. Ce qui se traduit par exemple par ne pas demander de subvention, sous aucune forme 1, de manière à ne pas prendre le risque d’une faillite si soudain le régime en place devait décider de les lui retirer ou réduire. La meilleure stratégie de long terme est une stratégie “libérée”.
Un slogan à la mode ces dernières années est “On ne peut pas avoir une croissance infinie dans un monde fini”. Que nous enseigne l’école autrichienne envers de telles affirmations ?
StG : C’est un excellent exemple en effet de ces confusions conceptuelles matérialistes dans lesquelles nous baignons. L’école autrichienne est parfaitement non-matérialiste, alors que bien sûr elle est souvent critiquée par la Gauche pour matérialisme extrême, et c’est là je crois que réside un de ses plus forts enseignements. Un principe (en réalité, un constat) de l’EAE tient à la subjectivité de la valeur. En clair, en préalable à tout échange, l’individu estime la valeur, l’utilité, qu’il perçoit et qu’il compte retirer dudit échange. Cette valeur est parfaitement abstraite, elle réside dans sa seule tête. Elle n’a aucune raison de s’exprimer uniquement en monnaie, elle peut être entièrement affective. Murray Rothbard parle ainsi de valeur “psychique”. Avec une telle notion, il se positionne à l’opposé de toute considération matérialiste.
Mais pour revenir à la question, ce qu’il s’agit de voir par cet aparté, c’est que le comportement économique de l’homme dissocie complètement les moyens de son action – les fameuses “ressources” – de la valeur (ou utilité) qui détermine son action. La croissance en économie est une croissance de la valeur accumulée, le fameux capital. Le capital, ce n’est pas des ressources, c’est de la valeur, valeur “psychique”. Voilà l’erreur commise par le slogan, si réducteur. Cette valeur s’accumule et croît avec les échanges, mais elle n’est pas consommatrice, ni destructrice, des ressources échangées. Un tableau de Van Gogh peut ainsi voir sa valeur croître et croître encore sans pourtant que le tableau soit jamais altéré en aucune manière. Cet exemple à lui seul suffit à montrer qu’il est tout à fait cohérent de parler de croissance sans fin dans un monde aux ressources qui semblent “finies”. Cette finitude des ressources forme d’ailleurs aussi un faux concept, mais c’est une toute autre question.
Donc pas plus que de condamner le capitalisme, vous ne pensez souhaitable de le sacrifier sur l’autel du réchauffement climatique ou de l’épuisement des ressources ?
StG : Bien au contraire. Cette question tient d’ailleurs à la fois de la vision sociale et du rôle du droit naturel combiné au libre marché que de la seule économie ou du “capitalisme” – mot que je n’emploie guère du fait de la confusion qui lui est associée. Je prendrai le climat pour exemple, mais le raisonnement est strictement le même pour la question de l’épuisement présumé des ressources. La question sous-jacente à celle du climat est un double arbitrage.
Tout d’abord, à supposer que le climat change durablement dans le sens qui nous est dit, il n’est pas évident que cela dérange tout le monde sur Terre. Certains, par goût personnel ou par leur géographie, entre autres raisons, pourront se réjouir de la perspective d’une chaleur plus grande ; d’autres pourront y trouver des inquiétudes légitimes. Je n’entends guère cette question de l’arbitrage entre ces deux préférences légitimes posée. Ensuite, à supposer que la menace ou la préférence irait dans tel ou tel sens, vient un arbitrage semblable entre telle et telle mesure pour se prémunir des conséquences néfastes éventuelles. Toute mesure doit être financée et ce financement se fera forcément au détriment d’autres initiatives : arbitrage numéro deux. Cette question de l’arbitrage des grandes décisions au sein de la société n’est pas une question nouvelle, elle est l’essence même de la “science politique” – bien différente de l’économie. Elle devient une question de gouvernance : qui prend la décision ? Ou bien : comment la décision est-elle prise ? Dans notre société démocratique, ou tout autre régime de dictature, la décision est unique, centralisée, prise par le ou les quelques gouvernements.
Dans une société de pur capitalisme, pour reprendre ce mot, c.-à-d. une société de pleine propriété privée, la décision est prise individuellement par chaque propriétaire, autrement dit par le libre marché. La différence est colossale. La décision centralisée tranche sans nuance possible : on est pour ou contre la hausse de la température, on ne peut pas être pour ici et contre là. La décision prise par le marché est par contre un arbitrage décentralisé où chaque décision individuelle est mise en équilibre des autres décisions par le fait des échanges sur le marché : ceux qui préfèrent le chaud trouveront leur clients, ou pas, face à la concurrence de ceux qui préfèrent le froid. De plus, la concurrence permet la rapide correction si demain les prévisions scientifiques devaient se révéler erronées, correction guère possible dans une démocratie dont l’inertie de décision se mesure en années de mandats électoraux. Pour finir, on comprend que le “capitalisme” n’est en rien à condamner face aux enjeux climatiques, il en est au contraire la seule réponse réaliste – et c’est bien triste qu’il faille autant l’expliquer.
Pour beaucoup d’écologistes, le capitalisme sera bientôt mis devant ses propres contradictions : le rythme effréné de la production finira par se heurter à l’épuisement des ressources naturelles. Ces avertissements vous semblent-ils pertinents ?
StG : Pas du tout. S’il doit y avoir un jour un épuisement des ressources, dont je doute fort, il ne pourra venir que du socialisme ou étatisme, mais certainement pas du capitalisme. Pour mieux le voir, imaginons comment les choses se passent quand le capitalisme véritable est à l’œuvre. Il suffit de revenir à la loi de l’offre et de la demande, qu’on supposera libérée des lois et autres contraintes éloignant le marché de la “jungle”, pour se placer dans le “pire” des capitalismes. Prenons pour être concret l’exemple du pétrole, sachant que la logique est la même pour toute ressource.
Nous avons connu un baril à 100 dollars, voilà que le pétrole se raréfie encore. Et son cours monte, monte, jusqu’à, disons, 200 dollars. À ce prix, ceux pour lesquels le pétrole est crucial et qui sont en bonne santé économique achèteront encore. Il y aura un moment pourtant, disons à 1000 dollars, où pratiquement plus personne n’aura les moyens ni l’intérêt d’en acheter encore. Pourtant, il y aura encore du pétrole à vendre, sinon la question de son prix ne se poserait plus. De plus, pendant cette hausse, diverses choses sont advenues qui contribuent à sa sauvegarde. Ainsi, les énergies concurrentes, mais qui jusque là étaient plus chères, sont pour certaines devenues rentables. Voilà ainsi tout à coup que le pétrole n’est plus la seule ressource possible, il devient moins critique et sa demande, donc sa consommation, baisse d’autant. Enfin, pour la même raison, le prix fort encourage la recherche de pétrole en des endroits jusque là peu rentables car trop complexes à mettre en exploitation. Là encore, ces puits deviennent rentables qui apportent de la ressource en plus et éloignent le risque de le tarir.
Les trois phénomènes combinés, le pétrole ne disparaît en réalité jamais, d’une part, et la transition vers d’autres ressources se fait sans heurts, d’autre part. L’épuisement des ressources est un mythe. La crainte exprimée par la question vient soit de la confusion entre capitalisme et monde actuel, pris pour du capitalisme mais qui en réalité est un mélange des diverses variantes d’étatisme, soit de l’incompréhension des multiples mécanismes économiques sous-jacents à la consommation des ressources.
Hayek est une figure associée à l’EAE, dont certains propos indiquent une inclination pour la “justice sociale”. Vous reconnaissez-vous sur sa ligne ?
StG : Non, en rien. On trouve chez lui, par ex. dans “Law, Legislation and Liberty”, diverses positions voyant une limitation du libre marché dans le domaine qu’on qualifie de “social”. Si l’on élargit la question à l’ensemble des Autrichiens, on peut dire que Hayek fait exception. Il y a, pour simplifier, deux groupes d’auteurs : avant Rothbard et depuis Rothbard. Ludwig v. Mises, dans le premier groupe, parle du chômage dans ses “Six Leçons”, par exemple. Il y explique très clairement, suivant la logique aprioriste de l’EAE, qu’il s’agit d’un phénomène étranger au marché libre, qui découle intégralement des politiques et de l’intervention étatistes.
Dans le second groupe, Rothbard dans son “Power and Market” consacre tout un chapitre à traiter du contrôle des prix, pour motivation “sociale” bien sûr. Il y conclut de la même manière. En résumé, l’école faisant l’analyse neutre du phénomène du libre marché, elle développe les bases expliquant sans fards que tout “problème social”, et la “(in)justice sociale” en général, est toujours la conséquence de quelque choix et décision politique s’étant traduit par des lois venues tordre le libre marché et produire des incitations factices qui aggravent les situations.
Il n’est pas considéré comme un économiste autrichien, et pourtant il est apprécié par de nombreux libéraux. Un mot sur Frédéric Bastiat peut-être ?
StG : Je dirais que Frédéric Bastiat fut un proto-Autrichien, un économiste du bon sens et un contributeur majeur à la pensée économique autrichienne – même si je serais bien incapable de dire s’il eut quelque influence sur Carl Menger ni même sur Ludwig von Mises, alors qu’il était bien connu de Murray Rothbard qui l’évoque souvent. Je pense pouvoir dire que Bastiat a inventé le raisonnement contrefactuel avec sa fameuse fable de la “vitre cassée”, reprise et généralisée par exemple par Henry Hazlitt dans son “Economics In One Lesson”. Bastiat ne pose ni ne cherche aucune équation, il raisonne de manière ordinale, en termes de plus ou de moins gagné, pas en termes de combien. Il n’était pas formellement un Autrichien non pas pour raison de géographie, mais parce qu’il n’a pas cherché à établir officiellement une méthode d’analyse économique ni une quelconque épistémologie. Il considérait que le bon sens allait de soi et en démontrait la pertinence par la simple pratique dans ses textes et ses pamphlets. Il fut donc selon moi l’auteur qui annonça, voire probablement qui prépara l’EAE.
Elie Blanc.