Motivation économique et politique pour un sécessionnisme européen – Histoire

Ce texte a été publié en 1998. Vingt ans après, pas sûr qu’il ait pris tant de rides…

Nous l’éditons en plusieurs parties pour plus de lisibilité… et de suspense.  La suite est ici...

L’EUROPE, UN AVENIR ?

Jusqu’à très récemment, l’avenir de l’Europe semblait assez certain: douze États-nations individuels auraient leur identités politiques, économiques et culturelles noyées au sein d’un appareil gouvernemental social-réglementaire-monétaire central sous le contrôle d’une élite bureaucratique opérant depuis Bruxelles, en Belgique, sous l’autorité du Parlement européen, et séparée de l’Est socialiste.

Cependant, des obstacles apparurent qui probablement empêcheront l’achèvement de cette destinée apparemment pré-planifiée. Le premier est l’effondrement du socialisme, qui a introduit la migration de masse comme un problème dans la politique européenne. Le second est l’apparition de mouvements nationalistes et sécessionnistes qui ne sont pas seulement sceptiques de l’intégration européenne, mais qui ont a également conduit à toute une nouvelle variété d’arrangements politiques locaux.

Bien que dénigrés par les médias et détestés par tous les gouvernements centraux, ces mouvements reposent sur une logique économique, politique, et culturelle qui devrait être encouragée. Il s’agit désormais de comprendre comment les forces du séparatisme et du sécessionnisme peuvent être la base d’une nouvelle Europe fondée sur des unités gouvernementales de plus en plus réduites qui tiennent compte de la demande croissante pour une souveraineté politique, culturelle et économique et pour les idéaux libéraux classiques de la propriété privée, du libre-échange et de la concurrence (culturelle, économique et politique) qui ont fait partie intégrante du développement historique du monde Occidental.

Vague immigrants berlin ouest
Immigration. Un angle de vue, comme un coin de mur.

IMMIGRATION & SÉCESSIONISME

Dans la période ayant suivi l’effondrement du socialisme en Europe de l’Est, une migration de masse s’installa, laquelle ne peut être comparée en direction et en magnitude qu’aux grands mouvements de population d’après la chute de l’Empire romain au cours du cinquième siècle. Des millions de gens se sont rendus vers l’Ouest: Albanais, Bulgares, Hongrois, Roumains, Slovènes, Croates, Macédoniens, Tchèques, Slovaques, Arméniens, Ukrainiens, Baits, Polonais et Russes, et dans leur sillage, les réfugiés issus d’une multitude plus grande encore de pays asiatiques et africains.

En 1990, près d’un million toucha l’Allemagne, destination la plus prospère et donc la plus séduisante d’Europe ; néanmoins toute l’Europe occidentale, de la Finlande et des pays scandinaves à la Grèce, l’Italie, l’Espagne et au Portugal, fut touchée par cet exode. De plus, on s’attend à voir le flot d’immigrants est-européens augmenter encore plus. Les estimations du nombre d’émigrants soviétiques au cours de la prochaine décennie vont de cinq à quarante millions. [1]

Les gens restent là où ils sont, ou migrent vers des endroits éloignés pour diverses raisons, une étant le revenu futur espéré en ces autres endroits. Toutes choses égales par ailleurs, les gens se déplacent des régions à revenu faible vers plus élevé. Par suite, les modèles de migration sont très pertinents dans toute analyse comparative des systèmes économiques. Cependant, les statistiques migratoires ne révèlent combien un système économique est jugé meilleur ou pire qu’un autre que s’il n’y a pas de contraintes migratoires.

Avec les contrôles migratoires en vigueur, les statistiques ne donnent qu’une image déformée. Elles restent d’un grand apport si une certaine migration existe, mais il faut les compléter et les réévaluer à la lumière d’une analyse des lois anti-migration existantes et des politiques de mise en œuvre correspondantes.

Visa refusé
Schengen, une solution ?

SOCIALISME EN ÉCHEC

L’exode récent issu d’Europe de l’Est fournit la triste preuve ultime de l’infériorité du socialisme tel que jugé par ceux qui furent contraints de le subir. Sous le socialisme, presque tous les facteurs de production sont détenus collectivement. Avec la propriété privée des biens de production bannie pour l’essentiel, aucun marché, et donc aucun prix, ne peut exister pour les biens d’équipement. De plus, sans prix du marché des biens d’équipement, toute comptabilité analytique est impossible. Le résultat en est la mauvaise affectation permanente des biens d’équipement.

Par ailleurs, la propriété collective socialise les gains et les pertes de production, diminuant ainsi la motivation de chaque producteur à augmenter la quantité ou la qualité de sa production individuelle, ou à utiliser avec mesure les facteurs de production ; ce qui encourage systématiquement paresse et négligence. De plus, avec des facteurs de production collectivisés, personne ne peut décider indépendamment d’autrui que faire d’un facteur de production donné (comme cela peut se produire sous un régime de propriété privée). Au contraire, chaque décision quant comment, où et que produire devient un sujet politique, nécessitant un mécanisme de prise de décision collective, créant ainsi des gagnants et des perdants.

La fuite des peuples d’Europe de l’Est est une fuite loin de l’appauvrissement et de la perte totale d’indépendance envers le  contrôle politique, créés par le socialisme. [2]

ALLEMAGNE DE L’EST

À en juger par les statistiques d’émigration, pratiquement aucun jour n’est passé depuis la création du socialisme, en Russie en 1917 et depuis 1945 à plus grande échelle dans toute l’Europe de l’Est, où le socialisme n’a pas été démontré un échec. Plus il durait, plus cet échec devenait évident.

En l’absence de contrôles migratoires en Allemagne de l’Ouest envers les Allemands de l’Est et sans barrière linguistique, le cas de l’Allemagne de l’Est est le plus instructif. Après moins de 15 ans de socialisme, près de quatre millions d’Allemands de l’Est (environ 20% de la population) avaient migré vers l’Ouest. Le flot croissant des émigrants a dépassé les 1.000 par jour (une perte annuelle de population de près de 3%) lorsque, le 13 août 1961, le régime socialiste d’Allemagne de l’Est, pour éviter de s’effondrer sous son propre poids, dut fermer ses frontières avec l’Ouest.

Auparavant, l’émigration était considérée comme une infraction pénale (Republikflucht) et punie par la confiscation de tous les biens « abandonnés ». Mais l’évasion restait possible, car la frontière entre Berlin-Est et Berlin-Ouest était restée ouverte. Puis, pour empêcher sa population de fuir le socialisme, le gouvernement est-allemand construisit un système de fortifications frontalières : murs, barbelés, clôtures électrifiées, champs de mines, systèmes de tir automatiques, miradors et patrouilles militaires lourdement armées, 160 kilomètres autour de Berlin-Ouest ; et près de 1.450 kilomètres le long de la frontière avec l’Allemagne de l’Ouest.

Mur de berlin par Franz Baake
Mur de Berlin – Bernauer-Strasse, 1961.

AUTRES PAYS DE L’EST

Bien qu’un peu moins extrême, le développement des autres pays d’Europe de l’Est suivit de près celui de l’Allemagne de l’Est. Chaque régime socialiste subit des pertes migratoires et au milieu des années 1960, orchestré par le gouvernement soviétique et de concert avec les mesures particulières en Allemagne de l’Est, toute l’Europe de l’Est (à l’exception partielle de la Yougoslavie) fut transformée en un camp de prisonniers géant. [3]

Pendant plus de deux décennies, le problème put être réprimé et l’échec du socialisme put être dissimulé. L’émigration persista même sous ces conditions les plus défavorables, mais le tsunami devint un ruisseau. Pourtant, lorsque à la fin des années 1980, après un déclin économique continu qui érodait toujours plus la position de superpuissance militaire du gouvernement soviétique, les forces réformistes prirent le contrôle de l’appareil gouvernemental en Union soviétique, en Hongrie et en Pologne,  et ont même légèrement libéralisé leurs politiques anti-émigration, le flux reprit immédiatement à des niveaux plus élevés que jamais, et a continué à augmenter. [4]

À suivre…

Hans-Hermann Hoppe

[1] Selon des enquêtes menées récemment en Union soviétique, plus de 30% de la population (près de 100 million de personnes) exprimaient le désir d’émigrer.

[2] Le manque de démocratie (élections multipartites), n’a en fait, pour l’essentiel, rien à voir avec l’évolution du socialisme. Ce n’est évidemment pas le principe de sélection des politiciens qui provoque les inefficacités du socialisme. C’est la politique et la prise de décision politique en tant que telles qui sont responsables. Une fois les facteurs de production socialisés, chaque décision nécessite la permission d’un collectif. Peu importe au producteur de savoir comment ceux qui donnent l’autorisation sont choisis. Ce qui compte pour lui, c’est juste le fait de devoir aller demander une permission. Tant que cela est le cas, les producteurs sont moins incités à produire et l’appauvrissement se poursuit. Le contraire du socialisme n’est donc pas la démocratie, mais la propriété privée et le capitalisme pur comme ordre social fondé sur la reconnaissance de la propriété privée. La propriété privée est aussi incompatible avec la démocratie qu’avec toute autre forme de pouvoir politique. La propriété privée implique une société complètement dépolitisée, ou, selon les termes de Marx, une anarchie de la production, dans laquelle personne ne gouverne personne, et où toutes les relations entre producteurs sont volontaires et donc mutuellement bénéfiques.

[3] Il est révélateur de la qualité des manuels américains traitant de l’analyse comparative des systèmes économiques que la plupart ne mentionnent même pas les termes « migration » et « contraintes migratoires » dans leur index, et que presque personne ne traite systématiquement des flux internationaux de population. De cette incompréhension fondamentale, il n’y a qu’un petit pas vers des conclusions aussi perverses que celles de Paul Samuelson (exprimées jusqu’en 1989) et de nombreux autres « experts » moins connus, selon lesquelles le développement économique de l’Union Soviétique et de l’Europe de l’Est fut dans les grandes lignes une réussite – tout cela alors qu’aucun gouvernement d’Europe de l’Est n’accorda à son peuple le droit à une libre émigration, que les demandes de permis d’émigration étaient considérées comme des délits sanctionnés et que les gens qui tentaient de partir malgré tout subissaient la menace réelle d’être abattus sans pitié.

[4] L’Allemagne de l’Est est à nouveau la plus instructive. Avant la construction du Mur, plus de 1.000 personnes par jour avaient fui. À l’été 1989, lorsque la Hongrie socialiste commença à ouvrir ses frontières avec l’Autriche, et depuis l’effondrement du mur de Berlin le 9 novembre 1989, le flot des émigrants est-allemands a rapidement augmenté jusqu’à dépasser les 2.000 par jour.

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