Sécession ? 1 : Les imposeurs et les opprimés

Discours marquant

Quelques trois semaines avant les élections américaines de novembre 2020, Jeff Deist, Président du Mises Institute, a tenu un discours qui nous a semblé mériter une traduction, dans la mesure où le propos, quoique s’adressant à des Américains, nous semble transposable à notre réalité française.

Nous vous le proposons en trois parties, correspondant chacune à environ un tiers de sa durée, et chacune portant sur une étape de l’analyse de l’intervenant. (Nous travaillons par ailleurs pour que cette traduction apparaisse en sous-titre de la video.)

En quatrième partie, nous prévoyons une synthèse selon notre lecture de ce texte et projection au contexte français.

Noter que le style de la langue est peu formel, nous avons cherché à nous approcher du style original.

Bonne lecture — Mises Institute France

Jeff Deist, Président du Mises Institute. Imposeurs vs Opprimés
Jeff Deist, Président du Mises Institute. Imposeurs vs Opprimés

Imposeurs vs Opprimés

« Cet après-midi, je voudrais vous parler de deux classes d’Américains. Et ce pourrait ne pas être les deux classes auxquelles vous pensez, mais néanmoins, il y a deux classes distinctes en Amérique et nous devons les briser. Et nous devons les briser plutôt tôt que tard.

Voici une citation plutôt longue pour commencer, mais j’ai pensé que je pourrais la laisser un petit instant pour que vous puissiez vous en imprégner.

Elle a été écrite il y a à peine cent ans par Ludwig von Mises et elle résonne absolument aussi vrai aujourd’hui qu’au moment où il l’écrivait.

Et il s’agit de l’idée de laisser les gens partir, s’ils souhaitent former une union ou une entité politique différentes.

Une nation qui croit en elle-même et en son avenir, une nation qui entend souligner le sentiment certain que ses membres sont liés les uns aux autres pas simplement par le hasard de la naissance mais aussi par la possession commune d’une culture qui est précieuse avant tout à chacun d’entre eux, serait nécessairement capable de rester imperturbable lorsqu’elle verrait des personnes individuelles se tourner vers d’autres nations. Un peuple conscient de sa propre valeur s’abstiendrait de détenir de force ceux qui voudraient s’éloigner et d’incorporer de force dans la communauté nationale ceux qui ne la rejoindraient pas de leur plein gré. Laisser la force d’attraction de sa propre culture faire ses preuves dans la libre concurrence avec d’autres peuples – cela seul est digne d’une nation fière, cela seul serait une véritable politique nationale et culturelle. Les moyens du pouvoir et du régime politique ne sont en rien nécessaires pour cela.

– Ludwig von Mises

Nation, État et Économie

Alors à la fin, il évoque une vraie politique culturelle nationale. Ainsi, je vous demanderais à tous de réfléchir à ceci : l’Amérique est-elle une nation, aujourd’hui ? Je soutiendrais que « non ».

Est-elle même un pays ? À peine. Ou est-elle, comme certains d’entre vous qui avez entendu mon discours à Ford, il y a quelques jours, mon amie Ilana Mercer l’appellerait «un Walmart avec des bombes nucléaires» ?

Et c’est l’impression que donne l’Amérique, vraiment aujourd’hui. On a l’impression de vivre dans une grosse subdivision fédérale, n’est-ce pas ?

Alors hier soir, j’évoquais qu’il y a à peu près cent ans, dans l’entre-deux-guerres, que Mises écrivait sa grande trilogie, trois livres, trois livres remarquables : « Nation, État et Économie » d’abord, puis « Socialisme » et « Libéralisme », le tout en moins de dix ans.

Et ces trois livres remarquables ont pour l’essentiel tracé un plan pour organiser la société d’une manière à la fois prospère et paisible et aussi un avertissement, dans « Socialisme », quant à la façon de la détruire.

Il s’avère qu’il est bien plus facile de détruire que de construire. Donc Mises dessine cette conception de ce à quoi une « nationitude » libérale pourrait ressembler. Elle prend racine dans la propriété (privée), bien sûr, dans une auto-détermination rigoureuse chez soi ; et ceci signifie qu’il met toujours en avant le droit de sécession…

À l’époque, pour des minorités politiques, linguistiques, ethniques, économiques, on a toujours le droit de sécession. Et bien sûr, venant du patchwork de l’ancien Empire Austro-Hongrois, et en Europe, il comprenait ce que signifiait être une minorité linguistique, en particulier.

Donc pour Mises, tout type de nation, tout type de vrai nationalisme, exige un chez-soi de [plein] laissez-faire, exige l’échange libre avec ses voisins, pour éviter la tendance à la guerre et l’autarcie, et exige une politique étrangère non-interventionniste pour éviter guerre et impérialisme.

Donc, quand on pense à ces trois livres, on ne peut qu’imaginer à quoi l’Occident et l’Amérique pourraient ressembler aujourd’hui, si ces livres avaient été largement lus et absorbés à l’époque.

Si les gouvernements occidentaux…

Si les gouvernements occidentaux avaient été un tant soit peu raisonnables, disons lors du siècle précédent, consommant disons seulement 10 à 15% de la richesse privée en taxes, conservant juste des monnaies un tant soit peu raisonnables, s’appuyant sur l’or, restant pour l’essentiel à l’écart de l’éducation, des banques et de la médecine, et par-dessus tout évitant guerres supra-nationales et imbroglios militaires…

Si les gouvernements avaient été un tant soit peu raisonnables, en Occident, nous pourrions encore vivre dans une région dorée comme celle dont Mises a pu profiter à Vienne…
…mais avec les bénéfices inimaginables de nos technologies et avancées matérielles d’aujourd’hui.

Mais la vérité est que le libéralisme n’a pas résisté. Et nous devons être honnêtes avec nous-mêmes sur ce point.

Il n’a pas résisté en Occident. Et il n’a jamais pris racine au plein sens de Mises de toute façon, tout du moins pas longtemps, et c’est pourquoi nous sommes tous ici aujourd’hui.

Si le monde avait écouté Mises au moins un minimum, si les états occidentaux s’étaient engagés à prescrire des marchés monétaires sains, à la paix, toute notre théorie libertarienne anarcho-capitaliste aurait été complètement inutile. Nous aurions été assis ici à discuter des nids de poule, des impôts locaux fonciers et des écoles du coin. Au lieu de cela, nous sommes ici pour parler de l’État en tant que menace existentielle de la civilisation. Donc deux scénarios très différents.

Mais encore une fois, le monde n’a pas écouté Mises et c’est le pourquoi de notre Dieu Rothbard (et Hoppe, en passant).

Les imposeurs

Donc l’une des grandes réussites progressistes des cent dernières années, qui passe totalement inaperçue aujourd’hui, et liée au titre de mon exposé, c’est le degré auquel les « imposeurs », comme nous pouvons les appeler, ont été capables de se faire passer pour les opprimés. C’est absolument surnaturel.

Nous le voyons dans chaque aspect de la société américaine, dans chaque aspect de notre politique, aujourd’hui. Nous le voyons dans l’élection présidentielle, nous le voyons dans la guerre culturelle, nous le voyons à l’université et son espace, nous le voyons avec les antifas dans les rues.

Alors si nous pensons juste aux cent années depuis que Mises a écrit ces trois livres, dans le siècle passé en Amérique, ces progressistes de toutes les nuances, de tous les partis politiques, voulais-je ajouter, que nous ont-ils donné ?

Que nous ont-ils donné ? Ils nous ont donné deux guerres mondiales, des bourbiers en Corée et au Vietnam, maintenant des guerres incessantes au Moyen-Orient en Irak, en Afghanistan, peut-être bientôt en Iran, qui sait ?

Ils imposent ces énormes systèmes de sécurité sociale, à propos desquels Amity Schlaes a tant écrit, sous la forme du New Deal et des programmes sociaux de la Great Society, qui ont ruiné combien de vies anonymes ?

Ils ont créé ces agences et ces départements fédéraux aux acronymes indigestes pour nous espionner, nous taxer indéfiniment, réguler chaque aspect de nos vies.

Et ils construisirent le complexe militaro-industriel, et le complexe Etat-médias et le complexe Etat-éducation.

Ils légalisèrent des violations des droits de propriété humains élémentaires, ce qui choquerait absolument nos aïeux s’ils vivaient encore, tout cela avec les cours de justice hochant la tête de leur assentiment. Et pour payer tout cela, ils nous donnèrent les Banques Centrales, le système de la Réserve Fédérale, éclose, fomentée ici même sur cette île en novembre 1910.

Et donc comment ces imposeurs ont-ils nommé ceci ? Ils l’ont nommé « libéralisme » (NdT « liberal » aux USA veut dire « progressiste »). Si vous vous y opposez, ils vous traitent de « réactionnaire ».

Populiste
Il serait négatif d’être « populiste » ? Mais qui s’intéresse au peuple, alors ?

Libéral aujourd’hui

Être un libéral aujourd’hui, c’est être un réactionnaire contre les dégradations et les déprédations de l’État, et les impositions du XXe siècle et de la classe politique, que ce soit les imposeurs ou leurs agents. Que la classe politique nous a t-elle obtenu ? Eh bien, ils sont parvenus à ruiner la paix, ils sont parvenus à ruiner la diplomatie, la monnaie, la banque, l’éducation, la médecine, sans oublier au passage la culture, la courtoisie et la bonne volonté.

Et si vous vous opposez aux imposeurs et à leurs élites, ils vous traitent de populiste. Alors, traitez-moi de populiste. Tout ceci bien sûr découle des imposeurs, de leur vision du monde sous l’angle du droit positif, qui les anime. Elle anime tout ce qu’ils font et c’est pourquoi ils peuvent hurler contre (le Sénateur) Rand Paul quand il leur refuse la couverture santé. Dès que vous acceptez une vision du monde selon le droit positif, alors quiconque ne vous suit pas, vous ou votre programme, vous prive de quelque chose. Et voilà comment ils voient le monde, les imposeurs.

Donc le XXe siècle représente un triomphe de ce « libéralisme ». Je déteste voir un illibéralisme, mais si vous voulez le voir…- nous savons ce que les imposeurs ont en réserve pour nous en ce XXIe siècle naissant. Et j’ajouterai au passage qu’une bonne manière de distinguer peut être un Bobo d’un Rothbardien est de lui demander s’il considère que le XXe siècle en Occident comme un triomphe du libéralisme ou pas. Je pense que la plupart des Rothbardiens diraient que non. Je dirais que la plupart des Bobos diraient que oui. Ils considèrent le XXe siècle comme une sorte de victoire pour le « libéralisme ».

Fracture

Alors ce qu’ils nous ont donné, outre tous ces divers problèmes est bien sûr une énorme fracture. Ce qu’ils nous ont donné, c’est une fracture presque incroyablement légendaire dans la société, entre les imposeurs et les opprimés. Et donc quelle est l’ampleur de cette fracture, et dans quelles directions s’est-elle formée ?

J’ai pensé que ceci était une jolie petite illustration, qui s’est produite l’autre jour sur Twitter. Nous avons Chris Hayes, qui est un sous-humain travaillant à MSNBC, qui dit : « Eh bien vous savez, avec le Covid la manière la plus responsable de traiter tous ces gens » – on dirait du Seinfeld, « ces gens » – « si nous y survivons, c’est une sorte de commission de la vérité et de la réconciliation ».

Wow, ça a l’air amusant. Je suppose que beaucoup d’entre nous dans la salle seraient candidats à cela. Je ne sais pas si on a prévu des wagons [nazis] dehors.

Et alors, il représente la gauche progressiste, je suppose, en Amérique aujourd’hui. Et puis voici qu’arrive notre ami de la droite conservatrice, le grand Billy Kristol, dont on a tous déjà assez, mais dont on reçoit toujours plus.

Je veux dire, ce gars n’arrête jamais. Il est comme quand vous prenez votre dose d’huile de foie de morue à sept heures du matin. pour l’odeur

Et à midi, voilà des renvois de Billy Kristol. (rires) Alors il dit : « Que diriez vous de la vérité mais sans réconciliation ? »

Le degré de mépris et de haine affiché que ces foldingues ont pour nous est, je suppose, en partie dévoilé par Trump et le trumpisme et, dans cette mesure, nous devons à Trump un certain degré de gratitude pour nous avoir permis de les voir comme ils sont vraiment.

Et je voudrais demander à l’un ou l’autre de ces messieurs : si vous croyez vraiment que, disons, 40% des États-Unis sont au-delà du réparable, irrécupérables, qu’est-ce que cela signifie ?

Que proposez-vous par là ? Cela signifie-t-il une sorte de camp de rééducation ? Je veux dire, cela signifie probablement que soit vous vous séparez d’eux de quelque façon, soit vous les soumettez.

Et se « soumettre », ce pourrait être économiquement, politiquement, ou même, dans le scénario horrible que nous avons vu se répéter à travers l’histoire, physiquement. »

À suivre…

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