La concurrence

Il est évident que la concurrence, c’est la liberté. Détruire la liberté d’agir, c’est détruire la possibilité et par suite la faculté de choisir, de juger, de comparer ; c’est tuer l’intelligence, c’est tuer la pensée, c’est tuer l’homme.

– Frédéric Bastiat, 1843

Harmonies économiques, Chapitre X

MÉCHANTE CONCURRENCE

La concurrence est antisociale, détruit l’emploi, appauvrit les individus, engendre des conflits, conduit à une lutte sans fin et sans merci entre individus et entreprises, se fait au détriment du respect des individus, de leurs conditions de travail, favorise la loi du plus fort, le non-respect de l’environnement, etc.

Ces propos reviennent souvent dans les médias français et sont repris dans notre environnement proche, mais qu’en est-il vraiment ? La concurrence est-elle réellement l’incarnation du mal absolu, est-elle la résultante de notre société moderne et capitaliste ? Ou est-elle d’une tout autre nature, selon le point de vue où l’on se place ?

La concurrence peut se définir comme « la rivalité d’intérêts qui existe entre plusieurs personnes », ou comme « la compétition, le combat que se livrent deux entités poursuivant le même but ». Mais le verbe latin dont le terme est issu, « concurrere », signifie à l’origine « accourir avec, ensemble ». On voit bien dès lors que le terme lui-même recèle une certaine ambiguïté, puisqu’il associe à la fois l’idée de compétition avec celle de fraternité.

La concurrence est donc à l’origine issue d’une rivalité entre individus. La critique la plus commune est que lorsqu’elle s’exprime sans limites, elle aurait inévitablement des effets pervers tels que : la ruine du petit commerçant, forcé de vendre à perte face aux grandes surfaces, la misère des travailleurs les moins qualifiés, obligés de réduire leurs salaires pour maintenir leur emploi, la disparition d’industries dont les coûts de production sont supérieurs à ceux de leurs voisins, le trucage par les laboratoires pharmaceutiques de leurs études pour commercialiser leurs molécules en premier, ou bien encore la non vérification de leurs sources par les journalistes pour publier un scoop.

La Concurrence, nuage des mots de l’article.
La Concurrence, nuage des mots de l’article.

ET LE CONSOMMATEUR ?

On voit bien en effet que, la concurrence, si l’on se place du côté du boutiquier, de l’offreur de travail, de l’industriel, du pharmacien, du diffuseur d’informations et de façon générale du producteur, peut avoir des effets de prime abord négatifs, voire dramatiques.

Mais si on se place de l’autre côté, du côté de l’acheteur, du client ou du consommateur – que nous sommes tous d’ailleurs – qu’en est-il vraiment ?

La concurrence va arracher au producteur ses trois principaux bénéfices : les ressources naturelles, qui lui sont offertes, les inventions, produit de son ingéniosité, et enfin les moyens, issus de l’accumulation des richesses, autrement dit le capital.

En effet, pourquoi les oranges de Floride ne seraient-elles pas vendues au prix de l’or à leurs voisins canadiens, bien incapables de les produire ? Pourquoi le prix des PC baisse-t-il continuellement malgré des performances croissantes ? Pourquoi le banquier pratique-t-il des « taux zéro » et non l’usure ?

En dernière analyse, le banquier, le fruitier ou le vendeur de PC sont en fait tous, tout autant, en concurrence entre eux. Tous cherchent à convaincre le consommateur de leur confier un peu de monnaie en échange de produits pourtant tous très différents. Tous cherchent à le séduire et à l’emporter face à tous les autres.

Parce que dans tous les cas, c’est l’action de la concurrence qui force le producteur à baisser ses prix au profit du consommateur. C’est la combinaison permanente de ces deux forces opposées, recherche par le producteur du monopole et de sa rente de profit maximal et captation de cette rente par la concurrence au profit du consommateur, qui constitue le fondement des progrès de l’humanité.

Comme l’écrit avec lucidité Frédéric Bastiat, c’est d’un combat sans fin qu’il s’agit là :

« La Concurrence est cette force humanitaire qui arrache le progrès, à mesure qu’il se réalise, des mains de l’individualité, pour en faire l’héritage commun de la grande famille humaine. Il n’est donc pas surprenant que l’individualité, représentée par l’intérêt de l’homme en tant que producteur, s’insurge depuis le commencement du monde contre la Concurrence, qu’elle la réprouve, qu’elle cherche à la détruire, appelant à son aide la force, la ruse, le privilège, le monopole, la restriction, la protection gouvernementale, etc. »

– Frédéric Bastiat

Harmonies Économiques, Chapitre X

L’ARGENT EST SALE…

Paradoxalement, l’hostilité des Français à l’économie de marché et à son corollaire, la concurrence, s’expliquerait par la conjonction de plusieurs traditions que sont une vision catholique selon laquelle « l’argent est sale », le colbertisme, le socialisme ainsi que le corporatisme qui, selon Alain Lamassoure, aurait survécu au régime de Vichy.

Il faudra d’ailleurs attendre le traité de Rome de 1957 pour que les politiques de la concurrence soient généralisées au niveau de l’Union européenne et commencent à s’imposer à la France.

La concurrence, à l’inverse du monopole, de la rente ou du privilège, est certes impopulaire car elle contraint l’individu, elle le dérange dans son confort personnel, elle lui rappelle que rien n’est jamais acquis, et que pour recevoir la juste récompense de ses efforts, il devra donner en tout temps et partout le meilleur de lui-même.

Mais, contrairement aux idées reçues, la concurrence est le plus puissant outil d’égalité sociale, car partout où elle passe, elle rend du pouvoir d’achat à tous, y compris aux plus pauvres, parfois plus en proportion.

Elle permet de diffuser à l’ensemble de l’humanité un bien-être, une prospérité et un confort, qui autrement ne resteraient le privilège que d’un petit nombre. Elle porte en elle-même les idéaux de justice, d’égalité et de fraternité qui sont propres à la nature humaine.

Philippe Rouzet, in Libres !, 2012

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